Maître Cheng Man Ching

Le Maître des 5 Excellences

Cheng Man Ching
ou Cheng Man-ch’ing

(trad. 鄭曼青, simpl. 郑曼青, pinyin : Zhèng Mànqīng), né le 29 juillet 1901 à Yongjia (Chine) et mort le 26 mars 1975, est un maître de tai chi chuan.
Il avait le titre honorifique « maître des cinq excellences » pour ses connaissances du tai chi chuan, de la médecine chinoise, de la calligraphie, de la peinture et de la poésie.

Maître CHENG MAN CHING

Le Tai Chi Chuan (Taiji Quan), profondément enraciné dans la tradition Taoïste, est un art martial chinois interne, voie de la douceur, orienté vers une intime compréhension des lois de la nature régissant l’univers, le vivant et l’être humain. Il se pratique en état de relaxation avec des mouvements continus, ronds, lents, sans tension ni raideur. Corps, conscience et esprit s’unissant au rythme d’un souffle apaisé et calme permettant au Chi (Qi), l’énergie interne, d’imprégner le corps en douceur et de conférer vitalité, bien-être et tranquillité.

Le Style Cheng Man Ching

Cheng Man Ching (Zheng Man Qing) de son vivant n’a jamais prétendu avoir fondé son style. Il insistait toujours qu’il enseignait la forme longue de l’école de la famille Yang en 37 pas, respectueux de la filiation d’avec son maître, le grand et fameux maître Yang Cheng Fu. C’est après sa mort que certains de ses élèves et disciples commencèrent à parler d’un style Cheng Man Ching.

Si maître Cheng refusait d’adhérer à cette idée, on ne peut nier, toutefois, certaines évidences extérieures lorsque l’on observe les caractéristiques de sa forme : le pas est d’ampleur moyenne (de la largeur des épaules), la stature du dos est verticale, les poignets, à part le crochet du simple fouet (Tan Pian) ne sont pas pliés formant ainsi une ligne continue des avant-bras jusqu’à la pointe des doigts,      Neijing Tu, carte du chemin de l’élixir

Ceci dit, la caractéristique majeure réside dans la douceur singulière, source de transformation intérieure, issue du fruit de ses recherches en Nei Jing (Alchimie Interne Taoïste) que maître Cheng a su infuser dans son Taichi. N’oublions pas qu’il était un érudit, lettré, médecin traditionnel et qu’il fut initié à la méditation taoïste depuis son plus jeune âge.

Tout cela, il a l’a ainsi rendu disponible en synthétisant la forme en 37 pas et en y déposant la somme de ses réalisations permettant à ses héritiers que nous sommes de restaurer notre santé et de parfaire les plus hauts niveaux d’accomplissements intérieurs et martiaux. « Dans la pratique de la forme, cherchez ce qui est invisible ! » disait-il.

 

En 1937, alors en charge du département des arts martiaux de la province du Hunan, il crée l’enchaînement de la forme en 37 postures à partir de la forme de Yang Cheng Fu. Selon Cheng Man Ching, la forme originelle du Taichi Chuan comportait seulement 13 postures, face au manque de persévérance des adeptes, elle fut allongée. Il choisit donc de simplifier la forme longue en 108 mouvements apprise auprès de Yang Cheng Fu afin d’en intensifier la diffusion dans le but de renforcer la santé de ses compatriotes. Sa qualité de médecin associé au fait que lui aussi, se soit guéri d’une grave maladie pulmonaire, la tuberculose, grâce à sa pratique assidue du Taichi Chuan, apporta beaucoup de crédit au livre de Yang Cheng Fu et notamment sur l’influence du Taichi Chuan sur la santé.

À cette époque, certains maîtres de Taichi Chuan comme Wu Jian Quan et Yang Cheng Fu transformaient peu à peu le Taichi Chuan que leur avaient transmis leurs aïeux en une technique de santé accessible au plus grand nombre. Leur préoccupation majeure était d’apporter une meilleure santé au peuple chinois, c’est à partir de ce moment que le Taichi Chuan s’est largement développé, passant d’une technique martiale jalousement gardée à l’intérieur d’une famille à une technique de santé originale et adaptée à tous ou presque.

En 1946, il commence l’écriture de son premier livre « Chengzi Taichi Chuan shisan pian» (les treize traités de maître Cheng sur le Taichi Chuan) la publication ne sera faite qu’en 1950 à Taiwan à cause des événements de l’époque. Pour lui, son ouvrage se place dans la continuité du livre de Yang Cheng Fu, « Taichi Chuan Tiyong Chuan Shu », il s’associe ainsi au courant intellectuel chinois de la première moitié du 20ème siècle qui cherchait la renaissance du sentiment national face aux occidentaux et aux japonais. Dans ce livre, la forme en 37 pas est présentée comme une technique souveraine pour la santé, sa propension à vouloir diffuser plus largement le Taichi Chuan provient certainement de l’influence bénéfique de cette technique sur sa propre santé. Dans ce même livre, il précise et détaille le sens martial des gestes accompagnant les photos décrivant l’enchaînement, préservant ainsi la tradition martiale du Tai Chi Chuan.

Cheng Man Ching est né en 1901 sous la dynastie Qing, dans la province de Zhejiang (Wenzhou), dix ans avant la création de la République de Chine. Son père décédé alors qu’il était encore un jeune en fant, c’est sa mère lui enseignera la poésie et la calligraphie. Il pouvait, semble-t-il, apprendre par cœur d’un seul coup d’œil. Mais lors de sa neuvième année, une brique tomba d’un mur endommagé, sous lequel il jouait, et lui percuta la tête. Il resta dans le coma pendant deux jours. Un professeur d’arts martiaux nommé Chou Min Chi partit dans les montagnes et ramassa des herbes qui guérirent l’enfant qui demeura cependant comme un légume et perdit sa prodigieuse mémoire.

À 10 ans, il étudia la peinture avec le Professeur Wang Hsian Chan. Il ne pouvait rien faire d’autre que se tenir debout près du professeur et broyer de l’encre continuant ainsi de se rétablir tout en regardant les peintures. Au bout de trois ans, il commença à aller un peu mieux. Le soir, il utilisait ce qui restait des petits emballages en papier des médicaments de sa grand-mère pour y peindre une fleur, une feuille, un insecte ou un oiseau.

Un jour, la femme de son professeur lui demanda de peindre une glycine. Ce qu’il fit avait la saveur de Yun Nan Tien et Huai Hsing Lo, deux peintres célèbres. Son professeur, ravi, surnomma le studio du Professeur Cheng : le Studio de la Glycine.

À partir de ce moment, Cheng Man Ching fit vivre sa famille grâce à ses peintures. Il avait 14 ans. Il recevait également de l’aide et des conseils de la part de sa tante Chang Kuang, qui était connue sous le nom de Hung Wei Lao Jen, dans l’art de peindre les contours. De temps à autres, il jouait avec son cousin qui lui bandait les yeux. Il tentait alors de peindre un bambou entier de plusieurs pieds de long avec la méthode du « contour ». Il y parvenait sans faire d’erreur, ni aux articulations, ni aux brindilles ni aux croisements des feuilles.

À 18 ans, il alla à Pékin où il publia dans le journal des poèmes dans le style « Chang Ho » (un style de poésie où deux personnes prolongent ensemble un poème – la première personne écrit un vers et la seconde en écrit un autre qui rime avec le premier, malgré une différence dans le contenu ou la façon de penser) avec 2 poètes de ses amis. À Pékin, ils étaient assez célèbres pour leurs œuvres culturels). Grâce à cette association, le Professeur Cheng reçut une invitation de l’université de Yu Wen pour y enseigner la poésie. À 24 ans, l’Ecole d’Art Plastique de Shanghai lui demanda d’occuper le poste de directeur du département de peinture chinoise.

À 29 ans, avec Huan Ping Hung et d’autres, le Professeur Cheng créa le Collège de Culture et d’Art Chinois où il occupa le poste de vice-président. Il soulignait que la poésie, la littérature, la calligraphie et la peinture, comme la taille des sceaux (un art en lui-même) sont tous d’une importance égale.

À 30 ans, le Professeur Cheng cessa d’enseigner. Il voyagea à Yang Hu dans la province du Chiang Su et étudia avec le maître des classiques Chien Ming Shan. Il mit tout son cœur et tout son art à étudier les classiques et les sages, et pendant trois ans, sans interruption. C’est ainsi qu’il pénétra le Tao du Savoir. Grâce à ses efforts constants, sa poésie devint pure, limpide, forte et réelle, sans fioriture ni artifice. Sa calligraphie était pleine, unifiée, régulière et ferme. La force des attaques de son pinceau semblait traverser le papier. Sa peinture était simple et raffinée tout en étant ferme. L’encre paraissait maintenir sa fraîcheur et même l’eau semblait prendre corps. Il voulait éliminer la tendance moderne à la beauté superficielle et frivole.

Après s’être exilé à Taiwan en 1949 et avec des poètes phares comme Yu You Jen, Chen Han Kuan, Chang Chao Chin, Ma Shao Wen, Chang Ching Wei et d’autres, il fonda un cercle de poésie. Avec Ma Shou Hua, Tao Yun Lo, Chen Feng, Chang Ku Nien, Liu Yen Tao et Kao Yi Hung, il créa le « Groupe de Calligraphie et Peinture des Sept Amis ». Il faisait également partie des fondateurs de la Société des Beaux Arts de la République de Chine (Taiwan).

    

Pendant 25 ans, il fit de nombreuses expositions et conférences chez lui et à l’étranger. L’une d’elles eut lieu à la Galerie Nationale Cernuschi à Paris, et une autre à l’exposition mondiale de New York en 1964. Les artistes occidentaux furent très impressionnés et lui exprimèrent tout leur respect, le reconnaissant comme un maître de la peinture à l’encre.

La mère du Professeur Cheng était capable de différencier les herbes médicinales. Quand le Professeur Cheng était jeune, il était souvent malade. Il accompagnait souvent sa mère pour cueillir des herbes; c’est ainsi que naquit en lui le désir d’utiliser le savoir médical et les plantes pour aider le monde. Le Professeur Cheng fit la rencontre de Sung You An de la province d’Anhui, dont la famille était célèbre depuis neuf générations comme praticiens en médecine. Le Professeur Cheng, âgé alors de 25 ans, devint son disciple. En réalité, le Docteur Sung recherchait le Professeur Cheng.

Selon sa fille, l’histoire se déroula de la manière suivante : « Le Docteur Sung avait plus de soixante-dix ans et avait pris sa retraite depuis longtemps. Ses quatre enfants étaient tous de célèbres médecins, mais leur père était toujours à la recherche de quelqu’un à qui enseigner tous les mystères de son savoir médical. De toute évidence, ses fils n’étaient pas entièrement capables de saisir tout ce qu’il savait. Le Docteur Sung rendait visite à un vieil ami à Shanghai lorsqu’il tomba par hasard sur une prescription du Professeur Cheng. Dès qu’il en eut achevé la lecture, le Docteur Sung, très impressionné, déclara à son ami qu’il souhaitait rencontrer l’auteur. Sans aucun doute, celui-ci devait être un médecin âgé et expérimenté, et le Docteur Sung voulait avoir l’opportunité de discuter médecine avec un homme pareil. Il serait plaisant, pour deux barbes blanches de médecine, de comparer leurs théories.
L’ami du Docteur Sung gloussa et lui dit que l’auteur de cette prescription n’était pas exactement ce qu’on peut appeler une « barbe blanche » mais qu’il était en fait un jeune professeur. Quand le Docteur Sung entendit que le Professeur Cheng était un jeune homme, il sentit un élan d’espoir : cet homme devait être l’étudiant à qui il pourrait transmettre son savoir. Mais lorsqu’il apprit que ce jeune homme était déjà un professeur, son espoir s’écroula. Comment pouvait-il présumer demander à un homme qui était déjà installé comme Professeur de devenir étudiant à nouveau ?
Le Docteur Sung retourna très déçu à Anhui. De temps à autres il refaisait le long voyage pour rendre visite à son vieil ami, espérant pouvoir, d’une manière ou d’une autre, rencontrer le Professeur Cheng. Et son ami, pendant ce temps, conseillait au Professeur Cheng d’aller étudier avec le vieux Docteur Sung. Mais le Professeur Cheng était tellement occupé à donner des cours et à administrer son université qu’il n’avait pas un moment de libre en dehors des jours fériés et des vacances d’été. Néanmoins, l’ami du Docteur Sung insista. Finalement, le Professeur Cheng décida de rendre visite au vieux Docteur. Ce dernier fut vraiment heureux d’enfin le rencontrer.
Le Professeur Cheng voulut le saluer comme il se doit (s’agenouiller et poser le front à terre trois fois) et accomplir la cérémonie formelle d’usage pour devenir élève, mais le vieux Docteur Sung déclara que ce n’était pas nécessaire. Il suggéra qu’ils se conforment à la tradition de « l’enseignement sans regard sur la différence d’âge ». Mais Cheng Man Ching insista sur la relation traditionnelle de maître à disciple, car, selon la tradition, seul l’étudiant qui était passé par la cérémonie formelle pouvait recevoir entièrement et librement tous les secrets du maître.
Les deux hommes étaient en conflit : le Professeur Cheng ne voulait pas étudier sans passer par la cérémonie, et le Docteur Sung ne voulait pas que le Professeur Cheng s’incline devant lui. L’histoire allait-elle s’arrêter là ? Se sépareraient-ils à cause de leur insistance mutuelle ?
C’est alors que le Docteur Sung trouva un moyen de satisfaire les deux parties. Il dit au Professeur Cheng : « Très bien, dans ce cas, veuillez-vous prosternez devant mes ancêtres. » Il lui indiqua alors l’autel qui contenait les tablettes spirituelles de ses ancêtres, et c’est là que le Professeur Cheng fit la cérémonie. Juste après cela, le Docteur Sung sortit de sa retraite. Il accrocha le signe indiquant qu’il pratiquait à nouveau la médecine. Ceci permit au Professeur Cheng d’expérimenter en exclusivité la manière dont le vieux docteur traitait ses patients de A jusqu’à Z. Quand le Docteur Sung ne recevait personne, il indiquait au Professeur Cheng quels livres il devait lire et ce qu’il devait y chercher. »

L’intelligence du Professeur Cheng était au-dessus de la moyenne, il écoutait son professeur nuit et jour lui parler du Tao de la médecine. C’est ainsi qu’il pénétra profondément les mystères merveilleux des prescriptions des grands médecins des dynasties Tang, Song, Yuan, Ming et Qing. De plus, il acheva avec brio et maîtrise ses propres études de gynécologie et d’obstétrique chinoises traditionnelles, de même que de médecine orthopédique.

Cheng Man Ching Dans son bureau du centre Shr Jung à New York

La guerre sino-japonaise débuta en 1937. Le Professeur Cheng choisit parmi ses prescriptions spéciales celles qui seraient bénéfiques aux militaires et il les donna aux autorités afin que le gouvernement puisse préparer les remèdes et veiller à leur distribution.

Le Professeur accrocha le signe indiquant qu’il restait chez lui pour recevoir et soigner les patients. Sa renommée en tant que médecin se répandit très largement. Depuis 1928, lorsque Wang Ching Wei, Liu Jei Hen et d’autres firent plusieurs propositions pour supprimer la médecine et la pharmacopée traditionnelles chinoises, la lignée directe du Tao de la Médecine s’asséchait de jour en jour. Alors le Professeur Cheng, avec le Docteur Chin et d’autres amis du Tao de la Médecine fondèrent l’Association Nationale de Médecine Chinoise.

Cette association, pour la première fois dans l’histoire de la Chine, réussit à réunir tous les célèbres médecins chinois traditionnels du continent pour faire des recherches sur les « points » les meilleurs et les plus efficaces de la médecine chinoise et la pharmacopée. Résultat : la médecine chinoise grandit et s’étendit. Après la fondation de l’association, le Professeur Cheng en fut élu président.

En 1946, le Professeur Cheng prit position à l’Assemblée Nationale en faveur de la construction d’une constitution de la République de Chine. L’année suivante, il était élu Représentant de la communauté des docteurs de médecine chinoise, par cette assemblée.

L’année suivante, le Collège de Médecine Chinoise et de Pharmacopée était organisé, et le Docteur Chin, en tant que fondateur de l’école, demanda au Professeur Cheng d’être soit Directeur du conseil d’administration soit Président du Collège. Ceci apporterait du poids au collège. Le Professeur Cheng se montra poli mais ferme dans son refus : « position Ainsi, il déclina l’offre. Toutefois, lorsque par la suite l’école traversa une période difficile, le Professeur Cheng accourut et n’épargna aucun effort pour aider.

En 1949, il dut s’expatrier et rejoindre l’île de Taiwan comme l’ont fait de nombreux autres maîtres d’arts martiaux et d’intellectuels et y fonda l’école de Taichi Chuan « Shr Zhong » ‘le juste rythme’.

En 1964, invité aux Etats-Unis au siège de l’O.N.U, il fit une remarquable démonstration de Taichi Chuan devant les membres de l’assemblée. Il fondera suite à cela, à New York, en 1965, le Centre pour la Culture et les Arts « Shr Jung » (l’école de Taichi Chuan) ouvert à tous ceux qui désiraient étudier. Il devint un pionnier du Taichi auprès des occidentaux qui, à cette époque, n’ont guère accès à cette pratique. Son deuxième ouvrage « Chengzi Taichi Chuan Zixiu Xinfa » (la nouvelle méthode d’apprentissage personnel du Taichi Chuan selon maître Cheng) est publié en 1966, fort de son expérience auprès de nombreux élèves, l’ouvrage se présente comme un manuel à la portée de tous permettant un apprentissage aisé de la forme en 37 pas. Au cours de ses dix dernières années, le Professeur Cheng effectua de nombreux voyages avec son épouse en Amérique et en Europe.

Cheng Man Ching reste aux E.U. jusqu’en 1974.

Après la cinquantaine, il s’était laissé pousser la barbe et prit le nom de « Man-jan » ou « L’Homme aux Favoris ». Et comme, même après ces soixante ans, il continuait d’étudier souvent toute la nuit sans fatigue, on lui donna également le nom de « L’Hôte de la Tour du Long Soir » (Le Professeur Cheng adopta ce nom d’écrivain à New York où il vécut dans un appartement d’un immeuble d’où il pouvait voir les gratte-ciel new- yorkais durant les longues soirées). Il s’appela également « Le Vieil Enfant qui ne se lasse jamais d’apprendre ». Un autre de ses noms d’écrivains était « L’Ermite de l’Encrier de Jade ».

En 1974, il retourna à Taiwan pour publier Yi Chuan (Commentaire sur le Livre des Changements) qui comporte plus de 100 000 caractères. Il relut personnellement les épreuves, et déclara à de proches amis, juste après la deuxième relecture : « Si je dois mourir, je n’aurai aucun regret. » .Tout le monde crut à une plaisanterie. Qui aurait pensé qu’à minuit, le 23 mars 1975, on le retrouverait la tête posée sur ses bras sur la table, comme s’il dormait ? Il ne devait jamais plus se réveiller. On l’envoya immédiatement à l’hôpital. À 2h15, le 26 mars, il quitta ce monde. Il était dans sa 75ème année.

Des funérailles nationales eurent lieu pour ce grand homme de Taichi et de peinture. Son enseignement rayonne toujours à Taiwan, en Asie du Sud-est (Malaisie, Singapour…), aux E.U, en Europe et même en Chine Populaire où Cheng Man Ching est reconnu désormais dans l’histoire officielle du Taichi Chuan.

Yien Chia Kan, le président de la République de Chine, écrivit un discours commémoratif pour le Professeur Cheng, « Je n’aurai jamais pensé que le premier discours d’hommage que je dusse écrire fusse pour un vieil ami. »

Ses amis, ses proches et ses disciples disent qu’il avait l’allure d’un gentleman distingué avec un air cultivé qu’il était un homme honnête et intègre, et toujours fidèle à la droite ligne de conduite qu’il s’était fixé. Il n’hésitait ni ne faisait de compromis avec lui-même.

Le Professeur Cheng Man Ching reste dans la mémoire de tous comme le maître aux cinq excellences de par sa maîtrise de la calligraphie, la poésie, la peinture, la médecine et le Taichi Chuan. Il pouvait les unir comme s’il s’agissait de perles enfilées sur fil. Ce fil était le Tao. Parce qu’il avait étudié à fond les classiques et les sages, il avait pénétré les profondeurs des principes de la philosophie.

Ainsi, il y avait une harmonie entre le passé et le présent, les sages antiques et cet homme du monde moderne. Le vénérable Yu You Jen le louait en ces termes : « Il est un don unique de cette époque. Ce que les autres considèrent comme la chose la plus difficile, lui, tout seul, le fait bien et facilement. Ce n’est pas une consécration vaine! Les accomplissements de sa vie entière furent dirigés dans le sens du développement et de l’expansion de la culture chinoise traditionnelle. Ceux-ci étaient les fruits de sa nature éclectique et de son génie pénétrant, et étaient des travaux réellement originaux, pas simplement des compendiums du travail d’autres spécialistes. En vérité, ces écrits résisteront au temps et aux critiques ! »

Quand on l’interrogeait sur ces domaines maître Cheng déclarait que parmi toutes ces disciplines celle qui lui apportait le plus de joie était le Taichi Chuan pour la simple raison qu’on en retirait que des bienfaits sans rencontrer d’inconvénient.

Pour apprendre le Taichi Chuan, il faut investir dans la perte.
Sa pratique développe la vigueur d’un corps, d’un peuple, d’un pays, les responsables politiques pourraient s’en inspirer.